Suite

              Pour terminer ma description, les murs blanchis à la chaux, bas de plafond, des poutres bien culottées elles-aussi – c'est le souvenir que je garde de tout ce noir, il n'y avait rien de clair – mais d'où pendaient de ce plafond, donc, des rouleaux de panne de cochon. On en coupait un morceau que l'on faisait roussir. Cela prenait à la gorge, c'était âpre comme odeur, mais quelle délicieuse soupe de choux cela donnait !
               Le sol était de terre battue, et pendant pas mal d'années, (avant que Lafarge – décidément encore lui – face son apparition), formait un dessin uniformément gris et bouchardé. Donc le sol était en terre, mais à l'usage, il s'était abîmé. Il y avait des creux, des bosses évidemment. On marchait continuellement dessus, essentiellement en sabots.

                    On faisait dans ce cas, c'est encore plus lointain comme souvenir, ce qu'on appelait les pileries de place. Comprenez piler par taper, battre. On préparait la surface au sol, en terre « à battre ». On invitait tous les voisins, qui faisaient pareil eux aussi, et autres amis. Tout était prétexte à réunion à la campagne. On était bien plus près les uns des autres que maintenant. Et tout le monde dansait, aux accents de la vielle, puis de l'accordéon plus tard. C'était ce qu'on appelait piler les places. Parce qu'évidemment, les battements de pieds des danseurs, sur les gavottes et autre danses traditionnelles bretonnes, battaient bien la terre. Finissaient-ils avec un pilon ? La terre était déjà bien battue de toute façon.

                    C'était une des activités de la campagne, et l'occasion d'une fête.

               Une autre fête avait lieu au moment des moissons, je ne vous en parlerai que très peu car elle ressemble fort à celle d'aujourd'hui. Sauf qu'il n'y avait qu’une machine à battre qui faisait le tour de toutes les fermes. Enfin, on trouvait toujours un prétexte pour se réunir, bien manger et bien boire. Je les vois encore tous ; on passait apporter à boire à tous ces hommes, à toutes ces femmes. C'était animé, et ce n'était pas triste !
                 Un autre prétexte encore était la tuerie du cochon. Maintenant on en tue bien encore des cochons, mais ce n'est sûrement pas si amical. On appelait ça la boudinerie, parce qu'évidemment les boudins en faisaient partie. Dans ce temps-là n'existaient pas les Frigidaire et pour cause, donc le grand conservateur était le sel. Chaque famille avait un grand charnier ; c'était un grand saloir, un très grand pot de grès, vraiment très grand, dans lequel on entreposait les morceaux de cochons. Empilés avec le sel, ça faisait la saumure, et dessus, je m'en rappelle encore, c'était un couvercle en bois sur lequel on appuyait. Quand on avait besoin, on en tirait un morceau pour le cuire et le manger. C'est ce qui faisait dire à Papa quand il était enfant, quand ils faisaient un pot-au-feu, si pour une fois ils avaient acheté un peu de bœuf :
              – Ce soir, on mange de la soupe douce !
Parce que je pense que le cochon devait toujours rester un tantinet plus salé.
Là aussi c'était prétexte à fête et à réunion... On faisait ces saucisses dont je vous ai parlé qui pendaient dans la cheminée. Chez mes tantes, j'ai toujours connu la saucisse fumée.


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